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  • Photo du rédacteurVénus Rebelle

"Femme réduite – Réalité augmentée" : Dinde écervelée contre Coq satisfait !




  • Une poule – femme en argot, souvent considérée dans le rapport avec les hommes. Femme ou fille de conquête facile, le plus souvent entretenue.

  • Une oie – personne bête ou, « oie blanche » pour une jeune fille à l’éducation pudibonde, qui est niaise.

  • Une dinde – femme ou fille prétentieuse et sotte.

  • Une cocotte – femme de mœurs légères OU surnom affectueux donné à une fille ou femme que l’on aime.

  • Une pintade – femme sotte et vaniteuse.

  • Une grue – personne (le souvent une femme) niaise, ou encore une femme facile, vénale, par extension…une prostituée.

  • Une caille – jeune fille ou femme OU femme légère et prostituée.

  • Une bécasse – femme stupide ou d’aspect ridicule.

….


Les noms d’oiseaux ne manquent pas pour qualifier les dames. Ces terminologies très caricaturales abondent dans le sens du parfait stéréotype de l’individu de petite taille, fragile qui plus est. Un oiseau si fluet qu’il ne lui laisse presque aucune place pour un cerveau digne de ce nom. Ce n’est d’ailleurs plus qu’une « cervelle » dans ces minuscules dimensions.

Nous ne sommes pas sorti.e.s du poulailler : cette vision du monde dépasse même les frontières. En effet, le mot anglais « chicken » désigne la poule en tant qu’animal, et le mot « chick » la poule de façon péjorative, la fille légère, la gonzesse quoi !


Cette théorie d’un cerveau plus petit, et donc crétinisant pour ces « donzelles » était encore tout à fait audible au 19è siècle. En effet, d’éminents scientifiques ont avancé le propos suivant : les femmes sont par essence moins douée d’intelligente que les hommes parce qu’elles ont un cerveau plus petit. Sans trop de surprise, la misogynie ambiante de l’époque a allègrement participé à cette fumisterie. Oui, c’est bête comme chou, voyons ! (1) les femmes ont un cerveau en moyenne plus petit que les hommes (c’est tout à fait VRAI, le cerveau féminin est environ 10 à 15 % plus petit que le cerveau masculin), (2) l’intelligence est liée à la taille du cerveau (FAUX en parti, rien n’est aussi évident et binaire lorsqu’on évoque les caractéristiques à la fois complexes et fascinantes du cerveau humain, et chaque année qui passe observe les progrès de la science), (3) donc, les femmes sont par nature moins intelligentes que les hommes (ah bah du coup, FAUX ! ). Mais il faut leur pardonner, le second corolaire était déjà relativement erroné. Brillant, n’est-il pas ?


Les femmes constituent donc la parfaite idiote, sans cervelle, qui plus est ennuyeuse par ses incessants bavardages telles des poules en basse-cour. Et point besoin de retourner au 19è pour comprendre que cette image est bien ancrée : en 2013, la député Véronique Massoneau en a fait les frais lors d’une de ses interventions à l’Assemblée. Le Député Philippe LeRay imite alors les caquètements de volailles tandis que sa collègue s’exprime. « Je ne suis pas une poule » (tiens… cela pourrait se traduire en anglais par « I am not a chick/ chicken ») tente-elle de crier pour, qu’enfin, elle soit écoutée pour sa qualité d’oratrice et non huée d’être une femme. Encore un bel exemple de respect à promouvoir !


Toute consciente de ces réalités du trop récurrent dédain envers nous autres gallinacées, j’ai décidé de m’offrir ce pull à la minute où je l’ai vu. L’autodérision et l’humour comme meilleure réponse à la bêtise. Alors, oui, ce vêtement arbore aussi un message plus pragmatique : je ne suis pas une poule, mais plutôt une dinde. Celle-là même qui sera sacrifiée à Thanksgiving ou à Noël, et dont seule une privilégiée sera graciée par l’Oncle Sam. Pourtant, ce pull a un pouvoir.

En apparence bien futile, il a le mérite de questionner le positionnement de la femme dans la société. D’autant plus fortement d’ailleurs que cette interrogation se matérialise à travers l’importance de l’esthétique vestimentaire, qui nous est souvent reproché. Lorsque que je le porte en milieu « sérieux », comme en entreprise par exemple, il a tout de suite cette incongruité (ça pose les bases !) de se retrouver là on l’on ne l’attend pas. Dans un environnement où intelligence et la performance priment, je viens opposer une légèreté, une idiotie presque assumée tout en faisant preuve de finesse dans l’exécution de mon travail. Car nous l’avons démontré tout à l’heure, même sans ce pull magique et dans l’exercice de nos fonctions, nous sommes (parfois, souvent… mettez l’adjectif qui conviendra en fonction de vos situations) réduites qu’à des piaillements insignifiants.


C’est alors que la sorcellerie du pull opère. Mon interlocuteur me fait face, lis ce message (I am not a chicken) et m’interpelle, d’une voix dubitative : « Je ne suis pas une poule ? ». Trop vite attiré par ce slogan on ne peut plus intriguant, il ne distingue guère le dindon de sequins.

« Eh bien oui, je ne suis pas une poule ! », répète-je en me gardant bien d’en dire davantage. Il est bien plus jouissif de laisser libre court aux interprétations, d’observer quel élément sera d’abord analysé : la farce du pull de Noël bien sentie, la provocation de la dinde sans tête et dénuée de toute réflexion, un pull d’un goût tout à fait douteux, surtout pour les végétarien.ne.s et / ou vegan ? Tout cela à la fois ?

Cela se termine souvent par un sourire, voire quelques rires selon l’humour de mon acolyte de l’instant. Cette autodérision est devenue une forme de provocation à la réflexion sur le genre, à cette vision réduite et archaïque de la Vénus belle et bête à la fois. Le tout, en incarnant une dinde destinée à l’échafaud, mais brillante par la présence humoristique, parée de ses sequins en panache (et oui, il n’y a pas que les coqs qui en ont). Sois (re)belle et tais-toi. Oui, pour le droit à se pavaner, mais en silence s’il-vous-plait, les jacasseries dérangent. Ah que j’aurais avoir eu l’idée de créer ce dessin humoristique !


Pourtant, nous ne sommes ni des poules, ni des dindons sans tête, ni des cocottes qui laisseraient dans leur sillage une désagréable odeur de parfum piquante pour la gorge. Quelle ambivalence pourtant, car nous utilisons volontiers ce surnom affectueux au sein même de notre bande pour désigner une amie : « ma poule » ou « ma cocotte ». Évidemment, entre nous, aucune raison de rougir d’en être une. C’est lorsque certains coqs se pensent plus intéressants qu’être poule peut paraître dégradant. Et cela ne devrait en rien être le cas.


Par ailleurs, je m’interroge ? Pourrions-nous avoir une poule à la place de notre emblème du coq ? « Ha ha ha » j’entends rire les oiseaux moqueurs. Et pourquoi pas ? La poule pourrait alors devenir sportive (vs LeCoq Sportif), trônant en bonne place sur les sigles de fédération (FFF) ou de marques ?

Mais non, car a-t-on en effet jamais assisté à un combat de poules ? (Et si quelqu’un.e vient évoquer les scènes de volée dans les plumes autour de chiffons lors de soldes, je lui opposerais les combats de coqs pour la Hi-Fi en promotion dans les supermarchés. La bêtise n’a pas de genre !).

Après tout, ce fier à crête est devenu emblème uniquement par jeu de mot. « Gallus » en latin pour La Gaulle désigne également le Coq. Napoléon Ier aurait d’ailleurs voulu s’en défaire : « Le coq n'a point de force, il ne peut être l'image d'un empire tel que la France ». Et pourtant… le roi de basse-cour s’affichera le torse bombé sur le portail de l’Élysée des années plus tard (Un grand président américain a même écrit dans ses mémoires qu’il s’y trouvait plutôt à l’intérieur du Palais ;). Et cela ne s’arrête pas là ! Quand le coq, par son chant annonce le lever du jour ? Ce dernier est devenu un symbole fort pout le christianisme, puisque Jésus repousse les Ténèbres et fait entrer la Lumière par son passage et ses enseignements. Le coq est, par extension, une allégorie de la Lumière, de la résurrection du Christ en plus de nous indiquer le sens du vent au-dessus des églises. Le coq protège son territoire, devient belliqueux si les circonstances l’y oblige.


Que pouvons-nous faire, nous autres pauvres poulettes, à côté de ce coq érigé en majesté ? Jacter plus fort ? Comment donc, auprès d’un tel emblème, pouvoir briller en tant que poule ?

Eh bien, avec nos têtes bien remplies et des sequins pardi ! Après tout, notre destinée ne se résume pas à pondre, fouiller un son trou, couver, pour finalement se faire bouffer ? Remettons tout le monde d’accord ! Il y a bien une chose que nous avons tous en communs : poule et coq sont tous deux cloué.e.s au sol.

Ça a le mérite de faire redescendre tout le monde sur Terre !

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